Jean Pigozzi, un « ambassadeur » de lart contemporain africain - La Croix |
À 58 ans, Jean Pigozzi, homme daffaire franco-italien, a constitué la plus importante collection dart contemporain africain, composée de 10 000 pièces
Carrure massive, pas chaloupé, Jean Pigozzi déambule dans létroite galerie exposant sa collection (1), appareil photo à la main. En star quil est.
Richissime héritier du patron de la marque automobile Simca, lhomme daffaire franco-italien est un familier de la jet-set, dont il chronique la vie avec son compact numérique. Mais aujourdhui, cest un pan intime de sa vie quil illustre : son goût pour lAfrique, présenté au Magasin, centre national dart contemporain grenoblois.
10 000 oeuvres assemblées en 20 ans
Cest en 1989 quil tombe sous le charme de lart contemporain africain, dont il pensait quil se résumait « aux masques, aux effigies cloutées et aux bijoux en or ». Montée au Centre Pompidou, lexposition « Magiciens de la Terre » lui révèle un nouveau continent. Et un ami, André Magnin, lun des commissaires de lexposition, quil charge de constituer un fonds.
Vingt ans plus tard, Jean Pigozzi a accumulé 10 000 uvres, dont il apprécie « la fraîcheur et la joie ». Une collection sans pareille, comptant une trentaine dartistes importants. « Même en y consacrant des millions de dollars, il sera difficile de mimiter, estime-t-il. Il nexiste pas ou très peu de galeries en Afrique. Il faut acheter directement aux artistes des uvres qui, pour la moitié dentre elles, parviennent brisées ou truffées dinsectes, lorsque des problèmes administratifs ne les bloquent pas à la douane. »
Il rêve d'une présentation itinérante en Afrique
Pourtant, cette peinture exubérante et bavarde est réduite au silence dans un entrepôt du port franc, à Genève. Les uvres nen sortent que pour des accrochages temporaires plus de 200 à ce jour dans les plus grandes institutions mondiales.
Pour autant, « le travail des artistes africain est toujours aussi méconnu, regrette-t-il. Ni la Tate Modern (à Londres) ni Beaubourg (à Paris) nont de conservateur spécialisé dans lart contemporain africain. Pas plus que le MoMA (à New York), qui na quun seul tableau de Chéri Samba », lun des artistes dont il a contribué à faire monter la cote, avec le photographe malien Malick Sidibé. « Lorsquils ont besoin dune uvre pour une exposition, cest à moi quils la demandent. »
Jean Pigozzi assure que sa collection na aucune visée spéculative. « Je nai vendu quune vingtaine de pièces, voilà dix ans, pour voir si je nétais pas fou. Tout est parti. » Pour la présenter au plus grand nombre, il a lancé un site Internet: http://www.caacart.com/.
Et celui qui se voit en « ambassadeur des arts visuel africains » rêve dune fondation. « À Paris, Londres ou New York. Mais je ne suis pas Bill Gates
» Il envisage plutôt un camion qui sillonnerait les routes africaines pour une présentation itinérante. La seule exposition de sa collection quil ne verra peut-être jamais. Jean Pigozzi na jamais mis les pieds en Afrique.
Bénévent TOSSERI, à Lyon
(1) « Japancongo », jusquau 24 avril au Magasin, à Grenoble. Rens. : 04.76.21.65.25
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